Plutôt qu’une nostalgie mal placée, voyons plutôt en lui un hommage a la piraterie : envolées électriques, chansons non figées, clips fait-maison, concerts hypnotiques… Rien qui ne pourrait plaire a une industrie du disque aujourd’hui dépassée. Car plutôt qu’un folklore, Junior poursuit malgré lui une tradition. Mieux : c’est un savoir-faire et un savoir-vivre avant un devoir-penser.
On a vu. Meme que le coup de l’épouvantail rock seventies, on nous l’a deja fait. Trop, vous dites ? Oui, c’est un fait. Mais quand on sait que le rejeton pratique la batterie depuis ses 4 ans, la basse a 9 et enchaine les groupes (Inhatred, LoudBlast, Darkness Dynamite) depuis ses 14 ans, on s’interroge. À le voir sur les scènes de Glastonbury, au HellFest et au maMA Festival, on se dit que son scalp, finalement, il pourrait l’avoir méritÉ. Vraiment. Pas étonnant que ce batteur (Dick Rivers, LoudBlast, Betraying The Martyrs, Inhatred) ait habité Los Angeles ou partage un projet avec Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters) et Alain Johannes (Queens of the Stone Age, Them Crooked Vultures...). On vous le dit : ici, on ne joue pas. On vit. Et dire que le trentenaire franco-portugais aurait pu basculer trip-hop. En commun : l’amour des ambiances et les lentes mises sous tension. Alors quoi ? La faute a un disque dur sacrifié accidentellement sur l’autel du dieu stoner-psyche... Heureux hasard. Et une coherence pour celui qui revendique le droit a l’inconscient, aux accidents. Sa musique a tiroirs ? Enregistrée seul et en une seule prise, instruments par instruments. D’un trait. Plus le temps.
Ecoutez-voir les morceaux élastiques de «Welcome home : Tryptyk Album vol.2». Les riffs massifs et bourdonnants, les rythmes appuyés et lancinants, les solos habités... Tout ca sent l’organique. La chaleur. Et donne un écho électrique a un premier volet contenant deja l’incroyable Sweet Demon. Un six- coups qui n’attend plus que sa conclusion et dans lequel "Heavenlips" et Cactus Seed pourraient en être les bastions. Pour la scène ? Pas de répétition. Quatre pistoleros et de larges plages d’improvisation. Car Junior estime que la creation doit rester fragile, mouvante. Instantanée. S’adapter a un lieu, une humeur et se réinterpréter avec le temps. Ne peut être captée que dans l’instant. Et c’est bien son hyperactivité qui l’empêche de conceptualiser, déjà trop occupé avec un trop-plein de créativité. La preuve. Objectifs : bazarder la technique, refourguer de l’unique et au revoir la neutralité. Le rock est un art de vivre, avec son ideal esthétique et éthique, ses rituels, sa dimension affective et politique. C’est la mise en evidence des contrastes et ambiguités d’une culture « noble ». La recherche d’une authenticité. Car il ne s’agit plus de combattre, mais de dompter. D’ouvrir des portes. C’est du moins ce que tente Junior Rodriguez and the Evil Things, si tente que vous en lui épargniez les clichés.
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